Commémorations des victimes de la nuit de cristal
L’ANGVC a participé ce 9 novembre 2025 à un rassemblement en mémoire des victimes de la « Nuit de Cristal », pogrom d’État commis par les nazis le 9 novembre 1938, contre les Juifs d’Allemagne, d’Autriche et des Sudètes. Ce rassemblement organisé par le RAAR et Mémorial 98 a rassemblé plusieurs associations de lutte contre les racismes.
Le gymnase Japy est un lieu particulier de mémoire puisque c’est là que furent parqués les Juifs raflés par la police de Vichy dès 1941, avant d’être déportés vers les camps de la mort nazis.
Alors que les actes racistes et antisémites connaissent une augmentation vertigineuse en France et dans toute l’Europe, nous nous rassemblons afin de commémorer la Nuit de Cristal nazie, qui annonçait la Shoah.
L’extrême-droite est à l’offensive dans le monde entier, en diffusant les poisons du racisme, de l’antisémitisme, du négationnisme et du complotisme.
Elle est au pouvoir ou se prépare à y accéder dans de nombreux pays d’Europe, dont le nôtre.
Nous appelons plus que jamais à combattre cette avancée mortifère.
Vous retrouverez ci-dessous le discours prononcé par l’ANGVC, représentée par Laurent Martin, délégué de la Bretagne et administrateur :
Mesdames, Messieurs,
En cette journée de mémoire et de recueillement, nous honorons les victimes de la Nuit de Cristal — cette nuit du 9 au 10 novembre 1938 et les suivantes où la rue allemande fut le théâtre d’un pogrom antisémite d’ampleur ordonné par le chancelier lui-même. Ces évènements firent des milliers de victimes, principalement juives et marqua les prémices de la shoah.
Mais nous honorons aussi, à travers cette mémoire, toutes les victimes des génocides : Juifs, Arméniens, Tutsis, Cambodgiens, Roms, Sinti, Yeniches, Voyageurs — ces femmes, ces hommes, ces enfants que des idéologies de haine ont voulu effacer.
Je prends la parole au nom de l’Association nationale des Gens du voyage citoyens.
Pour rappeler que le génocide nazi frappa aussi, et d’une manière tout aussi implacable, les Roms, les Sinti, les Yeniches et les Voyageurs, qualifiés à l’époque de “Tsiganes” par les autorités nazis et de « nomades » par les autorités françaises..
Plus de 500 000 d’entre eux furent assassinés dans les camps de la mort, exécutés dans les forêts, sur les routes, raflés et tranportés dans des convois pour les camps d’extermination.
En France, les persécutions antitsiganes prirent racine dans un terreau ancien d’antitsiganisme.
Dès 1912, la République instaura un statut spécifique pour les “nomades”, imposant un carnet anthropométrique, des contrôles de police incessants, une surveillance totale des familles.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, ce statut servit de base à l’internement administratif de milliers de Voyageurs, enfermés dans plus de 30 camps répartis sur tout le territoire, parfois jusqu’en 1946.
Des rafles eurent lieu dans le Nord et l’Est de la France.
Des convois marqués d’un “Z” — pour Zigeuner, “Tsiganes” en allemand — partirent vers les camps de la mort. D’autres furent déportés directement depuis les camps d’internement français.
Ces faits, longtemps niés, n’ont trouvé qu’une reconnaissance tardive.
Ce n’est qu’en 2016 que le président François Hollande a reconnu officiellement la responsabilité de la France dans l’internement des “Nomades”.
Mais cette reconnaissance reste incomplète :
la France n’a jamais admis sa part de responsabilité dans le génocide,
elle ne reconnaît toujours pas la date du 2 août, commémorée partout en Europe comme la journée du souvenir du génocide des Roms et des Sinti,
elle n’a pas établi la liste des victimes,
ni reconnu les spoliations, les viols, les enlèvements d’enfants,
ni ouvert la voie des réparations.
Jusqu’à aujourd’hui, les spoliations subies par les Nomades ne sont même pas reconnues comme des spoliations antisémites — et n’entrent donc pas dans le champ des textes qui permettent justice et indemnisation.
Mais nous ne parlons pas ici de concurrence mémorielle.
Car dans les camps, dans les baraques, dans les convois, Juifs et Voyageurs ont partagé la même terreur, la même faim, la même mort.
Et leur histoire, en France, l’histoire de leurs persécutions et de leurs luttes, parfois communes, s’entrelace depuis bien plus longtemps encore.
Se souvenir aujourd’hui, c’est donc rappeler ces continuités :
celles des préjugés, des lois d’exception, des discriminations qui, de siècle en siècle, ont permis que des populations entières soient désignées comme indésirables, inassimilables, éliminables.
Mais se souvenir, c’est aussi résister.
Résister à l’oubli.
Résister à l’indifférence.
Résister à la tentation de hiérarchiser les douleurs, les morts, les mémoires.
C’est affirmer que la mémoire n’est pas un territoire à défendre, mais un espace à partager — pour que plus jamais, nulle part, ne se reproduise la mécanique qui conduit de la stigmatisation à la destruction.
Ce soir, nous rendons hommage aux victimes,
et nous rappelons la part de lumière qui résiste toujours dans la mémoire des survivants, des familles, et de celles et ceux qui, aujourd’hui encore, se battent pour que cette histoire soit dite, transmise, et reconnue.
Merci.



